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Voilà maintenant plus de cinq ans que je travaille comme développeur web. Comme le temps passe vite. Pourtant, avant ça, quand on m’interrogeait sur la carrière que je pensais embrasser, je répondais avec assurance que je ne voulais certainement pas être développeur. Et ce, malgré mon intérêt pour le sujet et le fait que, grâce aux ressources disponibles en ligne, j’explorais certaines compétences en parallèle de ma formation en communication digitale. Cette ancienne certitude de ne pas vouloir devenir développeur, je me l’étais forgée à grands renforts de culture populaire, d’images en tout genre et de représentations de la profession dans des séries. Tout ce que je pensais savoir en ce temps, de ce métier et des gens qui le font, n’était pas très attrayant. D’où mon rejet en bloc d’une telle carrière. Est-ce que vous aussi, vous avez déjà imaginé, ou au moins vu, une représentation d’un développeur ou d’une développeuse, comme étant une personne qui travaille seule, dans un endroit sombre, le casque vissé sur la tête et qui n’échange que rarement avec ses congénères ? Si vous m’aviez demandé ce que j’imaginais devenir en choisissant ce métier, c’est en substance la description que j’aurais pu faire. Et c’était aussi ce que je ne voulais pas devenir. Vous l’aurez compris, à un moment j’ai changé d’avis. Comment ? Lors d’un stage, j’ai eu l’occasion de passer plusieurs mois au contact de l’équipe technique de l’entreprise qui m’a accueilli. Elle était composée d’une directrice de production et d’une équipe d’une douzaine de personnes que j’ai pu côtoyer six mois durant. Comme quoi, il leur arrive parfois de sortir de leur grotte. Confronter ces clichés qui trottaient dans ma tête à la réalité aura été la seule chose nécessaire à me remettre les idées en place. Ce qui nous amène à aujourd’hui, où j’ai voulu vous parler de celles et ceux que j’ai rencontrés pendant ces années. De comment ils correspondaient, ou pas, aux clichés sur les développeurs et les développeuses ainsi que des nouvelles représentations de la profession que j’ai pu me forger. La première idée reçue que j’avais, l’une de celles que j’entendais le plus aussi, était la suivante : c’est un métier solitaire, où l’on est souvent seul.e face à ses écrans. Pourtant, dès qu’on entre dans le monde professionnel on se rend vite compte d’une chose : un projet informatique n’est pas le fruit du travail d’une seule personne. On peut avoir en premier lieu une personne chargée de l’identification du besoin. Cette mission peut s’accompagner de la rédaction de spécifications fonctionnelles ou d’une autre forme de description du résultat attendu, sous forme de tickets, par exemple. Pendant que l’on s’interroge sur ce que notre application va faire, il faut aussi définir à quoi elle va ressembler. Dans les situations les plus simples, cela pourra être le travail d’une seule personne. Sur des projets complexes ou au sein d’organisations qui ont besoin d’assurer une uniformité entre les réalisations, on pourrait avoir différents intervenant.es en charge de l’interface et de l’expérience d’utilisation. Arrivera ensuite le volet technique où là encore, tout va dépendre de l’envergure du projet à réaliser. C’est ici que l’on retrouvera les développeurs et les développeuses mais aussi possiblement d’autres métiers qui comptent tout autant : de la personne spécialisée dans les données, aux architectes pour les besoins les plus importants, en passant par les gestionnaires de réseau. Dans certaines entreprises il y a aussi des équipes dédiées aux tests, encore du monde en plus. En somme, développeurs ou développeuses, nous ne sommes bien souvent qu’un rouage d’une plus grande organisation nécessaire au bon déroulement des projets. Alors c’est vrai, il n’est pas nécessaire d’échanger chaque jour avec l’ensemble des autres personnes impliquées dans le projet, mais on est quand même loin d’être seul.es. Pour aller plus loin, contrairement à ce que l’on pourrait penser au premier abord, même quand il s’agit d’écrire du code, on ne se retrouve pas forcément en face à face avec un clavier. Il existe des pratiques comme la programmation en binôme et la programmation en équipe qui, comme leurs noms l’indiquent, mettent en avant le fait qu’au moins deux développeur.euses travaillent ensemble, sur le même ordinateur et éventuellement dans le même espace, à la réalisation d’une tâche définie. Tout l’inverse de la solitude. L’émergence du télétravail, ces dernières années, a peut-être un peu rebattu les cartes sur la question du travail solitaire des professionnel.les du développement. Il est vrai que c’est un métier qui a peu de contraintes nécessitant impérativement une présence dans les bureaux d’une entreprise. Dès lors, nombreux et nombreuses sont celles et ceux qui veulent pouvoir travailler uniquement depuis leur domicile. Ce qui, il faut bien l’avouer, va grandement dans le sens de ce cliché qui semble avoir la vie dure, et continue d’être entretenu. Le développement informatique connaît depuis un moment une grande popularité, étant porté notamment par l’image d’un marché de l’emploi favorable, la plupart des entreprises ayant besoin de ce type de profils. Ce qui a conduit un certain nombre de personnes à entreprendre une reconversion professionnelle pour venir travailler dans ce domaine. Je me souviens que dans la première entreprise où j’ai été, ma collègue développeuse avait précédemment fait des études de diététique tandis qu’un autre membre de l’équipe était un ancien journaliste. Difficile d’imaginer tout ce beau monde correspondre aux mêmes clichés. On s’accordait sur la même passion mais nos différents parcours faisaient que nous avions tous des sensibilités différentes à différents aspects du métier et c’est peut-être pour ça que cela fonctionnait. Ah, la passion. Avoir une passion pour le développement logiciel n’est en rien une mauvaise chose. Pouvoir travailler dans un domaine qui nous passionne est même positif et souhaitable. Ce qui est problématique, c’est plutôt l’assertion qui vient avec. Dans le monde professionnel notamment, il est parfois considéré comme acquis que si on est passionné.e, cela signifie qu’on fait du développement tout le temps. Quand on travaille, quand on a du temps libre, quand on rentre chez nous le soir. Cela crée des attentes injustes et une pression qui n’a pas lieu d’être, en situation de recherche d’emploi par exemple. Combien de fois, au détour d’un entretien, un développeur ou une développeuse a été confronté à la question de ses projets personnels ? Pour évaluer les profils, certaines entreprises utilisent également ces mêmes réalisations pour jauger le niveau technique. Non seulement c’est une façon détournée de s’immiscer dans la vie privée, mais en plus, dans un cas comme dans l’autre, ne pas en avoir - ou simplement ne pas souhaiter les montrer - pourra être préjudiciable car on sera vu comme pas assez passionné.e. À une époque où la notion d’équilibre entre vie professionnelle et personnelle a pris beaucoup d’importance, il est discutable de considérer la manière dont une passion pourrait s’imprégner dans notre quotidien pour tenter de justifier qu’une personne serait meilleure qu’une autre au travail. Aussi passionné.e que l’on puisse être, on a aussi le droit de vouloir laisser ça sur le seuil de la porte en rentrant chez nous le soir. Parce que l’on peut préférer se consacrer à nos proches, à une pratique sportive, à écrire pour les 24 jours de web ou à toute autre activité. D’autres, c’est vrai, vont multiplier les projets personnels. Je me souviens par exemple d’une entreprise où des employé.es avaient créé un petit boîtier contenant un bras articulé, relié à une interface permettant d’appuyer sur le bouton de l’ascenseur grâce à une commande sur la messagerie interne. Ou bien plus récemment, une personne que j’ai rencontré lors d’une conférence me racontait comment elle avait utilisé une intelligence artificielle pour regarder et analyser des images de vidéosurveillance de son jardin pour tenter de comprendre pourquoi les poissons de son bassin avaient tendance à disparaître. Dans un cas comme dans l’autre, à titre personnel, je suis fasciné par cette capacité qu’ont certains et certaines à transposer leurs compétences dans des petites choses de la vie quotidienne parce que ça les amuse, mais ce n’est pas naturel pour tout le monde. Pour finir sur quelque chose de léger, dont je me suis rendu compte depuis que je fais ce travail. C’est assez inoffensif, parfois amusant, certaines personnes qui ne sont pas du secteur peuvent avoir tendance à faire des amalgames assez larges envers tout ce qui se rapporte à l’informatique, à internet ou au matériel. Après tout, quand on travaille dans l’informatique, on sait s’occuper d’à peu près tout ce qui s’y rapporte de plus ou moins loin, non ? Il serait bien difficile de dire combien de fois on a pu me demander si je pouvais regarder pourquoi l’imprimante ne fonctionne pas, des explications sur la lenteur de la connexion à Internet ou bien la signification d’un message d’erreur. Au risque de décevoir, le plus souvent, je n’en sais rien. Dans l’informatique comme ailleurs, chaque métier est différent et dispose de son champ d’action, qui nécessite des compétences et des connaissances spécifiques. Ce n’est pas pour rien que dans les entreprises il peut y avoir des services dédiés à cela et qui comportent des équipes différentes, pour le réseau, la téléphonie ou le support par exemple. Si vous posez une question à l’une d’elle sur un périmètre qui ne la concerne pas, probablement que vous serez redirigé vers une autre. Face à quelque chose qui ne fonctionne pas comme attendu et que l’on ne comprend pas, nous nous sentons tout aussi impuissants que n’importe qui d’autre. Si cela peut vous rassurer, nous aussi ça nous agace quand un écran ne s’allume pas ou quand un logiciel ne fonctionne pas comme espéré, et parfois c’est aussi de notre faute. Durant ces cinq années, j’ai eu l’occasion de travailler avec des développeurs et développeuses aux profils variés. Pour tout vous dire, je garde de l’un ou deux d’entre eux et elles un souvenir assez proche de la description imagée que je me faisais au départ. L’image qui me revient est celle d’un collègue qui portait toute la journée son casque sous la capuche de sa veste qu’il gardait sur la tête. Mais dans l’ensemble, personne ne peut être défini exclusivement par son travail et ce dernier ne peut pas nous permettre de prévoir les traits de caractères ou les habitudes de quelqu’un. On reste avant tout des êtres humains, avec nos histoires, nos parcours, et il n’y a aucun cliché qui puisse retracer ça.

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