L’accessibilité numérique, c’est forcément un emploi pour les développeuses ou développeurs ? Eh bien non, pas du tout !
Petite histoire personnelle
Cela fait maintenant douze ans que j’ai quitté les bancs de l’université avec mon master en communication en poche. Mais j’imagine que les fraîchement diplômé·es reçoivent toujours la même question de la part de leurs proches : « Et maintenant, qu’aimerais-tu faire comme métier ? »
Moi, je répondais : « Je veux bosser dans le web ! » Et c’est ce que j’ai fait. Je suis passée par toutes les fonctions que l’on peut faire dans ce milieu : community manager, intégratrice web, gestionnaire de contenu web, rédactrice web ou responsable marketing. Mais depuis deux ans je travaille comme référente accessibilité et je suis surprise qu’on n’en parle pas davantage comme un débouché possible, car je peux vous assurer que c’est un métier passionnant et totalement adapté aux professionnel·les de la communication !
Pas que pour les devs
Il est vrai que c’est souvent la première question qu’on me pose lorsque je dis que je travaille dans l’accessibilité numérique. Est-ce que je suis dev ? Pas du tout ! Et vous savez quoi ? Ce n’est pas nécessaire.
Alors évidemment, dans l’accessibilité numérique, il y a des erreurs à corriger qui sont du ressort du développement. Mais pas tout, il y a également tout ce qui concerne la rédaction des textes, des titres, la création de vidéos et podcasts ou encore l’alternative textuelle des images. Et qui crée généralement ces choses ? Les responsables de contenu et donc souvent des chargés de communication. Et quand ce n’est pas le cas, les personnes formées sont satisfaites d’avoir un·e vrai·e professionnel·le du domaine qui leur explique comment rendre du contenu accessible.
Certaines compétences acquises durant votre formation, comme le SEO 1
, peuvent également être très utiles car certaines règles se recoupent avec l’accessibilité.
Être du milieu de la communication permet également de se sentir proche du public que l’on forme et on peut plus facilement les convaincre ou comprendre quels sont les objectifs et leurs freins.
Si vous avez un métier avec d’autres fonctions ou « casquettes » comme nous aimons les appeler dans mon administration, l’accessibilité peut également permettre de discuter avec des collègues que vous n’auriez pas croisés autrement et de leur parler d’autres sujets. Une sensibilisation à l’accessibilité numérique peut ainsi parfois me permettre de rappeler quelques bases pour le SEO ou pour respecter le RGPD (règlement général de protection des données).
Attitudes et compétences requises
Alors, entrons dans le vif du sujet. Pour exercer en tant que référent·e accessibilité, certaines qualités et compétences sont importantes :
Une curiosité pour le web et l’apprentissage : le domaine de l’accessibilité est en constante évolution. Il est crucial de rester à jour avec les nouvelles technologies et les meilleures pratiques. Il faut également rester aux aguets des nouveautés dans le domaine de la communication pour voir si celles-ci sont directement accessibles ou si un ajustement est nécessaire.
Aimer expliquer et présenter le sujet : la sensibilisation constitue une grande partie du travail. Il faut savoir captiver son audience et rendre le sujet de l’accessibilité intéressant pour des personnes qui ne voient pas toujours comment leurs tâches professionnelles peuvent avoir un impact sur ce sujet.
Vulgariser des propos parfois techniques : tout le monde n’a pas un bagage technique. Il est important de pouvoir expliquer des concepts complexes de manière simple et compréhensible.
Encourager et motiver les équipes : ce job s’apparente souvent à motiver les autres à travailler. Avoir une attitude de chearleader est donc indispensable pour faire passer des consignes de manière douce, fluide et positive.
Le job en détail
Mon travail est avant tout d’accompagner les gestionnaires de sites web. Il y a d’abord la partie sensibilisation. C’est la partie que je préfère car elle me permet d’introduire l’accessibilité numérique que j’adore et de faire germer en elles et eux des réflexes dans leur manière d’écrire.
La partie accompagnement est sur du plus long terme. Avec notre partenaire informatique, l’ETNIC, nous rendons dix sites et une application conformes aux WCAG 2.2 par an. Pendant que mes collègues de l’ETNIC accompagnent les développeuses et développeurs sur les erreurs techniques, je rencontre pour ma part régulièrement les rédacteurs et rédactrices de contenus. Nous établissons ensemble, selon leurs ressources, le planning des corrections à apporter. Je vois également avec eux si des exemptions ou des dérogations peuvent s’appliquer sur leur partie. La répartition entre ce qui relève du technique et ce qui relève du contenu n’est pas toujours évidente et dépend de la technologie utilisée. Donc même si ce travail peut paraître redondant au premier abord, ce n’est pas le cas car chaque site a ses spécificités.
Une partie conséquente de mon temps est également dédiée à répondre aux demandes des personnes qui produisent du contenu. Cela peut être de relire un projet, de vérifier l’accessibilité d’un document ou de donner quelques recommandations pour les vidéos.
Je trouve également important de ne pas se limiter à ce que demande la directive européenne mais également de suivre l’accessibilité pour les réseaux sociaux ou sur les supports physiques de communication (print, expositions, etc.).
Les défis du métier
Tout n’est pas facile pour autant. La partie la plus compliquée pour moi reste les documents accessibles. Il faut pour cela former les graphistes qui créent des brochures ou des flyers dans InDesign. Mais également tout agent de l’administration qui crée un document sur Office qui va finir sur un de nos sites web (et nous en avons une centaine !). Plus qu’une petite formation, c’est donc tout un changement de culture qu’il faut initier au sein d’une grosse administration.
Simplifier le texte que ce soit par le langage clair ou le FALC (facile à lire et à comprendre) peut également être un vrai casse-tête ou chronophage pour les équipes. C’est un domaine dans lequel j’aimerais me former davantage durant les prochaines années.
Autre frein, il peut être difficile de convaincre certaines parties prenantes de l’importance de l’accessibilité, surtout si elles n’en voient pas immédiatement les bénéfices. De plus, il faut souvent jongler avec des contraintes techniques et des ressources limitées. Cependant, ces défis rendent le travail encore plus gratifiant lorsqu’on voit l’impact positif de nos efforts sur les utilisateurs finaux.
L’avenir de l’accessibilité numérique
Je suis persuadée que l’avenir de l’accessibilité numérique se fera avec des référent·es accessibilité tourné·es vers le contenu. À l’heure où les nouvelles technologies telles que l’intelligence artificielle permettent à tout un chacun de produire des contenus (textes et images), il est plus qu’essentiel de veiller à ce que cela se fasse de manière accessible et donc de former ces personnes. J’invite donc toutes les écoles et universités qui forment les prochain·es professionnel·les de la communication à l’intégrer dans leur cursus dès aujourd’hui que leurs élèves puissent ensuite produire des contenus accessibles.
Lancez-vous !
J’espère que cette présentation vous a inspiré·e. Si vous êtes dans le domaine de la communication, lancez-vous ! Vous verrez, c’est un métier trépidant, plein d’avenir et surtout qui a du sens. En effet, on se sent vraiment utile après une journée de travail à avoir contribué à un univers web plus inclusif. Pour se lancer, rien de plus simple : formez-vous pour produire du contenu accessible et puis passez de l’autre côté du pupitre 😊 !
Search Engine Optimization, en français : optimisation pour les moteurs de recherche.
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