Suggestions

Le Média PeerTube channel
peertube.stream
Asialyst
asialyst.com
DIACRITIK
diacritik.com
blast PeerTube channel
video.blast-info.fr

Do you enjoy using Feedbot ?

You can support its material needs and its development by participating financially via Liberapay.

Les médias se cassent la gueule et, trop souvent, ils la tirent. Voilà l’état de la presse en 2024, résumé à la hussarde. Mais alors que Heidi.news a fêté avec bonheur ses cinq ans, nous avons voulu changer de focale et vous dégotter des journalistes heu-reux. Parce que leurs titres de presse, qu’ils soient neufs, audacieux, persévérants ou subtils, ont trouvé leur public.Faisant suite à notre tour du monde de ces médias qui réussissent, Heidi.news organise une table ronde sur le sujet.La discussion, modérée par Serge Michel, réunira:* Marc Engelhardt, directeur de *Correctiv* en Suisse; * Loup Espargilière, rédacteur en chef de *Vert*; * Fabrice Delaye, grand reporter chez Heidi.news; * Yvan Pandelé, chef d’édition chez Heidi.news. A l’issue de la table ronde, les participant·e·s pourront **échanger autour d’un verre** avec les intervenants. **Lieu**: Rédaction Heidi.news, Avenue du Bouchet 2, 1209 Genève **Date**: mardi 1er octobre 2024 à 18h Événement gratuit, sur inscription. **[Infos et inscriptions](https://evenements.heidi.news/table-ronde-on-a-trouve-des-journalistes-heureux)**
Read more
Chaque semaine, le dessinateur jurassien Pitch Comment croque un fait d'actualité pour Heidi.news.Comme tous les ans ces derniers temps, Tamedia dégraisse. En Suisse romande, la Tribune de Genève, Le Matin Dimanche et 24 Heures doivent être rassemblés en une seule entité, a-t-il été annoncé le 17 septembre 2024, tandis que le magazine Femina passe d’un rythme hebdomadaire à une parution mensuelle. Les discussions sont encore en cours, mais la coupe sera sévère: 55 équivalents plein-temps en Suisse romande. D’après Le Temps, qui s’appuie sur des sources syndicales, c’est 40 personnes qui pourraient perdre leur travail de notre côté de la Sarine — soit 20 à 30% des effectifs actuels. Lire aussi: Le message que les journalistes de la Tribune de Genève n'ont pas eu le droit de publier Que restera-t-il de la spécificité des différents cantons romands, chacun avec ses enjeux et sa culture spécifique, si les médias cantonaux commencent à fusionner? La *Tribune de Genève*, dont le tirage a diminué de moitié en neuf ans, semble particulièrement sur la sellette. Le journal continuera d’avoir un rédacteur en chef dédié, mais les craintes sont fortes de voir la Julie devenir à terme un simple onglet sur le site de *24 Heures*. Le paysage de la presse écrite romande prend des allures de champ de ruines. Du côté des politiques, on s’offusque et on s’inquiète — c’est à peu près tout. #### Pour une meilleure compréhension des enjeux, lire [notre Exploration «Tamedia Papers»](https://www.heidi.news/explorations/tamedia-papers)
Read more
Dans sa quête des racines du folklore chilien, Violeta Parra a vécu un mois chez une machi, c'est-à-dire une chamane mapuche, peuple autochtone décimé par les colons espagnols. Notre journaliste partie sur ses traces tente la même expérience avec la machi Rosa Barbosa, durant lesquels son âme est mise sur écoute.Quand Isabel Allende a écrit l’histoire de son pays, l’écrivaine, nièce du président Salvador Allende a appelé l’une de ses protagonistes Violeta, en hommage à cette chanteuse, militante et féministe avant l’heure (elle me l’a confirmé par courriel). Violeta Parra, vivante ou morte, représente le petit peuple, les ouvriers, les laissés-pour-compte et les indigènes. Elle vibre aux couleurs du communisme et défile aux côtés des idéalistes qui rêvent de voir les paysans posséder leurs champs, les femmes étudier dans les écoles et le Chili rendre leurs possessions aux Mapuches, le «peuple de la terre», qui vivait sur les terres de Patagonie bien avant l’arrivée des colons.«Mais vous êtes indienne?», demandait à Violeta la journaliste romande Marie-Magdeleine Brumagne, lors d’un reportage à Genève, rue Voltaire, diffusé le 3 juillet 1965. Dans la cour qui servait de lieu de vie à une poignée d’artistes, poètes et sculpteurs, se trouvait l’atelier modeste que la musicienne partageait avec son amoureux, Gilbert Favre. «Ma grand-mère était indienne, mon grand-père était espagnol. J’ai un petit morceau de sang indien. Tu vois comment je vis? Je vis presque comme les Indiens». Quand Violeta parle de sang indigène, elle fait référence au peuple mapuche. Missionnaires revenus les pieds devant L’activiste, les cheveux décoiffés, longs et noir de jais, décrit ensuite ses toiles. Sur une tapisserie, elle déverse sa colère, celle de la révolte des paysans et des Indiens. Pour la caméra, Violeta danse, peint, tisse, chante et joue de la guitare dans la petite pièce de ce patio surnommé la cour des miracles. Qui aurait cru que ce reportage en noir et blanc deviendrait incontournable en Amérique du Sud? Tous les doctorants qui se penchent sur Violeta Parra le citent.Après San Carlos, San Fabian de Alico et une brève halte à Chillán où Eduardo «Lalo» Parra, un autre de ses frères musiciens, a été enterré en grande pompe à ses 90 ans en 2009, je quitte la province de Ñuble pour rejoindre encore plus au sud la terre de ces guerriers indigènes qui ont repoussé les Conquistadors puis les Chiliens. Durant trois siècles, tant les envahisseurs que les Jésuites partis convertir les Mapuches sont revenus de l’autre rive du fleuve Bíobío, leur frontière naturelle, les pieds devant. Dans sa quête du folklore chilien, Violeta avait entrepris, dès 1958, de sauver le patrimoine de cette ethnie, qui compte deux millions de personnes aujourd’hui. Vous souhaitez lire cet article (il en reste les trois quarts) mais vous n’êtes pas abonné? Deux solutions: Tout premier abo comprend un mois d’essai gratuit, que vous pouvez interrompre à tout moment (même si nous serions enchantés que vous restiez!). Si vous connaissez un abonné, cette personne peut vous offrir gratuitement nos articles, grâce à l’icône «cadeau» qui figure en haut, près de la signature.
Amour, labeur et spiritualité Dans le livre Violeta Parra en el Wallmapu, Paula Miranda, Elisa Loncon et Allison Ramay ont répertorié les textes des chansons mapuches qu’elle avait compilés en six thématiques majeures: l’amour, le mensonge et la tromperie, le labeur, les choix et décisions que l’on prend, les berceuses et la spiritualité. Pour ce dernier thème, Violeta a vécu un mois chez Maria Painen Cotaro, une chamane. Les Mapuche nomment leur cheffe spirituelle: une *machi*.Voir plus
Read more
C’est oui, mais pas un blanc-seing: le conseil communal de Château-d’Oex a donné le 12 septembre son aval au dézonement d’une zone agricole pour réaliser un projet agrotouristique hors normes, «Votre Cercle de Vie», dont nous vous parlions déjà en 2020. Son bâtiment principal a déchaîné les passions depuis ses premières esquisses. La mise à l’enquête avait suscité 48 oppositions.C’était un vote très attendu, qui plaçait le Pays d’Enhaut devant un choix existentiel. Les débats ont été intenses dans le village et les opposants ont toujours la possibilité de recourir contre une décision à bulletins secrets prise à 29 voix pour et 17 contre. De quoi parle-t-on? Une ferme du futur qui réunit sous un même toit production d’énergie, hôtellerie, restauration et agriculture durable, porté par un couple d’agriculteurs dont la femme, Esther Mottier, affiche un caractère bien trempé et un charisme indéniable. Elle était un personnage important de l’Exploration de Heidi.news sur le génie fromager de l’Etivaz, dans le Pays d’Enhaut, ainsi que la figure centrale de mon documentaire de 2021, Le Pari d’Esther.Le projet Votre Cercle de Vie est inédit pour la Suisse, à tous les niveaux: allure qui tranche avec les chalets traditionnels à deux pans, dimensions, diversité d’activités sous un même toit,  innovations écologiques et sociales ainsi que son coût: 45 millions de francs. Le dossier est soutenu par la municipalité, la promotion économique locale, le Canton, le Parc naturel Gruyère Pays-d’Enhaut, des centaines de partenaires privés agrégés au fil des ans, des entreprises majeures comme Romande Energie ou Grisoni. Dans le dossier préparatoire, le seul préavis négatif est un avis consultatif de la Commission fédérale pour la protection de la nature et du paysage (CFNP). Elle pointait en 2022 l’atteinte importante au paysage que représentait le projet… Mais reconnaît dans le même texte qu’à proximité immédiate, d’autres atteintes «graves» avaient déjà eu lieu. Pourquoi ça fait débat? «C’est un sujet sensible, qui divise la population», a reconnu Maximilien Stauber, municipal rapporteur du projet. Prises en compte dans le préavis des municipaux et dans le rapport de la commission, tous deux favorables au projet, les oppositions formelles portent notamment sur la construction et ses conséquences. «Les nuisances de chantier en particulier sont évidentes», dit Maximilien Stauber. D’autre part, le bâtiment une fois fonctionnel entraînera une augmentation probable du trafic routier, bien qu’il promeuve les mobilités douces. Vous souhaitez lire cet article (il en reste plus de la moitié) mais vous n’êtes pas abonné? Deux solutions: Tout premier abo comprend un mois d’essai gratuit, que vous pouvez interrompre à tout moment (même si nous serions enchantés que vous restiez!). Si vous connaissez un abonné, cette personne peut vous offrir gratuitement nos articles, grâce à l’icône «cadeau» qui figure en haut, près de la signature. Ce qui a pesé dans la balance, pour l’exécutif communal, ce sont les retombées économiques, en particulier les emplois: «59 postes de travail, c’est beaucoup pour notre région», poursuit  Maximilien Stauber. Concernant l’incertitude sur la viabilité économique, les élus ne s’estiment pas compétents. «Si les banques estiment que ce n’est pas viable, elles ne prêteront pas les fonds, et le terrain retournera en zone agricole.»Quant à la localisation au cœur du village et le volume, les municipaux constatent qu’il n’existe pas d’autre lieu pour accueillir une telle construction, et que la nature même du projet implique «un système architectural compact.» «Trop grand» Les réticences plus émotionnelles se sont exprimées après le vote, au bar le Caribou, où se sont retrouvés certains opposants notoires qui ne souhaitent pas donner leur nom. En les écoutant, ce n’est tant pas la question de l’architecture qui revient, «ce gros bateau encastré dans le terrain», mais l’ampleur du projet. Pour une commune épargnée par l’urbanisation galopante qui a cours ailleurs dans le canton, cela paraît «trop grand».Voir plus
Read more
Où exactement est née la grande chanteuse? Deux lieux sont engagés dans une lutte mémorielle, San Carlos et San Fabián d’Alico, dans la province pauvre de Ñuble au Chili. Dans cette région miséreuse, l'enjeu mémoriel se double d'une perspective plus prosaïque: apporter des perspectives de développement.J’ai le cerveau imbibé de Carménère, ce cépage rouge d'origine bordelaise retrouvé par hasard dans un vignoble de ce nouveau monde et devenu la star chilienne. Cela fait 30 ans que la Française Alexandra Marnier Lapostolle, héritière de la maison Grand Marnier, projetait de créer ce vin d'exception dans son domaine Clos Apalta, estampillé Relais & Châteaux. Une étape sur la route du sud qu’il aurait été dommage de manquer.Je me rafraîchis les idées avec une randonnée équestre au milieu des vignobles de la verte vallée de Colchagua et je pars vers les terres d’origine de Violeta Parra, au centre-est du pays. J’ignore où je vais dormir ce soir. J’embarque à la gare routière de San Fernando pour un bus à destination de San Carlos, une bourgade près de Chillán. Il descend la Panaméricaine, appelée ici la Route 5, qui sert de colonne vertébrale au pays, de Arica à la frontière au nord avec le Pérou, jusqu’à Puerto Montt. L’autocar s’apparente à un duplex mobile, les sièges s’inclinent comme des lits, un luxe pour ces trois heures de voyage. Ce qui est sûr, c’est qu’elle était pauvre L’arrivée à San Carlos sera brutale: l’assistant du chauffeur a tout juste le temps de m’annoncer la halte que le bus est déjà reparti à tombeau ouvert vers la Patagonie, me laissant au bord d’une artère à six voies. Dans son patois local, un retraité m’indique le chemin du centre-ville à 2 km. On est dimanche, dans une zone industrielle provinciale et poussiéreuse. L’herbe est jaunie par l’été qui se termine, la silhouette d’un passant promenant son chien se reflète au loin sur le bitume brûlant. Après quelques minutes, une voiture s’arrête. Le monsieur âgé est conduit par son fils: «Monte, niña!» Ils me laissent sur la place des Armes où j’attrape auprès d’un vendeur ambulant quelques churros dégoulinant de manjar (une confiture de lait) avant de rejoindre la prétendue maison de Violeta Parra.Un journaliste de Santiago m’avait mis en contact avec deux personnes basées à San Carlos et San Fabián d’Alico, dans cette province de Ñuble. Ces Capulets et Montaigus chiliens se battent depuis une quinzaine d’années pour s’attribuer le lieu de naissance de Violeta Parra en 1917. Ce qui est sûr, c’est que notre chanteuse a trimballé ses haillons dans les champs de cette contrée vallonnée, une zone limitrophe à celle du Biobío. Son père enseigne la musique dans des écoles primaires et se fait renvoyer – comme un grand nombre de ses pairs – pour avoir osé demander une hausse de salaire. Un mauvais calcul face au dictateur militaire Carlos Ibañez del Campo, élu en 1927. Ce conservateur a pour but de détricoter les aides sociales apportées par son prédécesseur Arturo Alessandri. Vous souhaitez lire cet article (il en reste les trois quarts) mais vous n’êtes pas abonné? Deux solutions: Tout premier abo comprend un mois d’essai gratuit, que vous pouvez interrompre à tout moment (même si nous serions enchantés que vous restiez!). Si vous connaissez un abonné, cette personne peut vous offrir gratuitement nos articles, grâce à l’icône «cadeau» qui figure en haut, près de la signature. A la mort de son père qui sombre par désespoir dans l’alcool, Viola (comme on la surnomme parfois) maltraite les cordes de sa guitare contre quelques sous glanés dans la rue et dans les trains avec ses frères et sœurs, qui reprennent ses vers en chœur. Neuf gamins que la veuve, une couturière aux doigts endoloris, tente de nourrir. Violeta s’extirpe de cette pauvreté et rejoint son frère aîné parti étudier à Santiago. Nicanor Parra, qui deviendra quelques années plus tard le plus célèbre «antipoète» du pays (expression qu’il a inventée pour s'opposer aux canons traditionnels de la poésie), a obtenu un poste dans l’enseignement. Il veut que sa cadette étudie. Elle préfère chanter. Avec sa sœur Hilda, une bigleuse sympathique, elle crée un duo qui aura un certain succès. Devenue mère d’Isabel et Ángel, Violeta se lasse de chanter des airs espagnols et cherche un sens à sa vie. «Et notre folklore, alors?», lui souffle son frère en 1953. Barbecue interrompu Voir plus
Read more
Après un débat raté, et en dépit des faits, Donald Trump joue à fond l'argument des migrants mangeurs d'animaux domestiques, afin de relancer sa campagne. Une stratégie du mensonge qui a déjà fait gagner l'ex-président, mais qui montre ses limites. Allan Lichtman ne s’est jamais trompé. Celui que l’on surnomme le Nostradamus des élections américaines, historien à l’Université américaine de Washington, a toujours su prédire le vainqueur des dernières élections américaines. L’édition du week-end de la NZZ accorde une large place à sa nouvelle prédiction: le 5 novembre, Kamala Harris deviendra la première femme présidente des Etats-Unis.Aura-t-il encore raison en 2024? Pour l’heure, les sondages donnent certes une avance de cinq points à la Démocrate, après le duel télévisé de mardi, mais la course à la Maison-Blanche s’annonce serrée. Les deux candidats concentrent désormais toutes leurs forces dans les Etats clés, ceux qui détermineront l’élection, Pennsylvanie en tête, où se trouvait ce week-end Kamala Harris.Voir plus
Read more
Chaque semaine, le dessinateur jurassien Pitch Comment croque un fait d'actualité pour Heidi.news.Le Conseil national renouvèle sa défiance envers l’UNRWA, l’agence onusienne pour les réfugiés palestiniens, pourtant dirigée par le diplomate suisse Philippe Lazzarini. La chambre basse du Parlement a approuvé trois motions en ce sens lundi 9 septembre. La plus radicale, émanant de l’UDC, exige de cesser immédiatement toute contribution de la Suisse à cette organisation. Elle a été approuvée par 99 voix contre 88 et 7 abstentions.Ce vote intervient alors que les représailles israéliennes après l’attaque terroriste du Hamas du 7 octobre 2023 ont fait au moins 41'118 morts, selon un bilan du ministère de la Santé du gouvernement du Hamas. D'après l'ONU, la majorité des morts sont des femmes et des enfants. Jeudi 12 septembre, l'ONU et l'Union européenne ont condamné la mort de six collaborateurs de l’UNRWA dans une attaque israélienne contre une école abritant des déplacés dans la bande de Gaza. Celle-ci a tué au total 18 personnes, selon l'ONU, dont des femmes et des enfants.
Read more
La journaliste Laurence Ferrari et le violoniste Renaud Capuçon ont réussi à conquérir à la fois l’extrême droite et la Macronie, à séduire Vincent Bolloré comme Bernard Arnault, et se sont rencontrés à un dîner de Michel Barnier. Grâce à leurs leviers politiques et économiques, ils concentrent un pouvoir médiatique et culturel inédit, en France et en Suisse. Un système que nous nous proposons d’éclairer au fil de cette Exploration. C’est un rituel: chaque jour, sur CNews, «L’Heure des pros» réunit des éditorialistes français pour faire la promotion des valeurs d’extrême droite. Détenu par Vincent Bolloré, CNews est devenu la chaîne d’info en continu la plus regardée de l’Hexagone. Mais en ce vendredi 16 février 2024, le présentateur de l’émission phare de la chaîne, Pascal Praud, ne débat pas d’immigration, de féminisme ou d’écologie, ses cibles favorites: il reçoit pendant près de trente minutes un musicien classique! Et pas n’importe lequel: Renaud Capuçon, interviewé par un animateur en état de grâce. «Ca fait rêver, quelqu’un qui joue du violon», philosophe-t-il, des étoiles dans les yeux.Capuçon sort même son violon à 10 millions d’euros sur le plateau des studios. Rien n’est trop beau pour la promotion de son dernier album. Le sourire de Laurence Si l’émission accueille un artiste de musique classique, ce n’est sans doute pas un hasard. Le violoniste n’est autre que le mari de Laurence Ferrari, animatrice star de CNews, qui chaque jour y présente l’émission «Punchline». La journaliste est l’une des égéries de Vincent Bolloré, qui lui a aussi confié la rédaction en chef politique de Paris Match. Après la vente du magazine à Bernard Arnault, il a fallu trouver un nouveau poste à Laurence Ferrari: elle prendra la présidence de la marque «Journal du Dimanche», laquelle regroupe le JDD (qui a fait 40 jours de grève en 2023 pour tenter de sauver sa ligne éditoriale modérée) et le futur hebdomadaire JD News.La journaliste de 58 ans, ancienne présentatrice du journal de 20 heures de TF1,  est ainsi devenue une figure centrale dans la stratégie politico-médiatique du milliardaire breton soutenant l’extrême droite: «Le sourire de Laurence Ferrari illustre 20 ans d’évolution des médias», observe l’historien des médias Alexis Lévrier*. «Au départ, c’était le sourire bienveillant, empathique de la présentatrice du 20 heures. Il était alors impossible de savoir ce qu’elle pensait. Aujourd’hui, sur CNews, son sourire valide les obsessions identitaires de Bolloré: il acquiesce aux imprécations des invités contre l’immigration mais devient agressif avec les représentants de gauche et du centre. Cette figure de la normalité est devenue un outil de propagande»*, estime-t-il, avant de s’interroger: «son positionnement d’extrême droite est-il sincère ou rémunéré? A-t-elle toujours pensé comme cela ou fait-elle simplement plaisir à son patron?»Le 10 mars 2024, Renaud Capuçon s’est produit à l’Olympia, à Paris, salle mythique devenue propriété de Vincent Bolloré. L’état-major du groupe était présent: Arnaud de Puyfontaine, président de Vivendi, Yannick Bolloré, PDG d’Havas et fils de Vincent, ainsi que Gérald Brice-Viret, directeur général de Canal+. Pour Alexis Lévrier, «Capuçon apporte une caution culturelle. C’est une forme de revanche pour Bolloré, qui a mal vécu d’être autrefois rejeté par le milieu culturel parisien (le milliardaire venant de Bretagne, ndlr.). Il défie désormais ce monde qui ne voulait pas de lui». «Elle est mon guide» Au-delà des médias «maison», Laurence Ferrari, dont un de nos prochains épisodes détaillera le parcours, accompagne la stratégie d’image de Renaud Capuçon. Connaissant parfaitement les mécanismes de l’audiovisuel, elle est la spin doctor idéale. Dans son livre Mouvement perpétuel (Flammarion, 2020), Renaud Capuçon le reconnaît lui-même: «Elle est mon guide dans chaque décision à prendre». Avec succès: il est devenu le musicien le plus influent de France. En plus de sa carrière de concertiste, il cumule les postes institutionnels (directeur du Festival de Pâques d’Aix-en-Provence, des Rencontres musicales d’Evian) et les responsabilités d’entrepreneur privé (fondateur des sociétés Beau Soir Productions, RC Prod…).A cela s’ajoute la Suisse, sa nouvelle terre d’élection. Il y dirige l’Orchestre de chambre de Lausanne et le festival des Sommets musicaux de Gstaad, enseigne à la Haute école de musique de Lausanne. Une présence très importante (nous raconterons dans un prochain épisode comment le violoniste a pris pied en Suisse), même s’il vient de quitter la direction artistique de l’Académie Menuhin de Rolle, comme le révèle une enquête du Temps parallèle à celle-ci. Nous y reviendrons également: le cas Renaud Capuçon est un exemple unique, dans le secteur de la musique classique, de concentration verticale (il additionne les fonctions de musicien, enseignant, directeur artistique, producteur, agent) et horizontale (il cumule la direction de plusieurs structures en France et en Suisse). A lire dans Le Temps: A Rolle, l’Académie Menuhin en plein naufrage voit son directeur artistique, Renaud Capuçon, quitter le navire «Il a réussi à éclipser tous les autres violonistes français», glisse un observateur du secteur musical qui souhaite garder l’anonymat – une demande récurrente. Une dizaine de sources estiment que la moindre critique du système Capuçon peut valoir une mise au ban. «Je suis l’un des musiciens qui soutient le plus les jeunes musiciens et j’invite beaucoup de violonistes dans les festivals dont j’ai la direction artistique depuis plus de 25 ans», nous répond Renaud Capuçon, lorsqu’on lui pose la question.Si Ferrari a accompagné la carrière de Capuçon, l’inverse est également vrai. L’image est encore dans les mémoires: le 8 juin 2024, Laurence Ferrari accède au dîner d’Etat organisé par Emmanuel Macron en l’honneur du président américain Joe Biden et de son épouse Jill. Que lui a valu cet honneur, alors que quelques mois plus tôt, elle  profitait d’une conférence de presse pour adresser au président français dans la pure ligne bolloréenne? La réponse est: la grâce de son mari. Le violoniste joue ce soir-là avec son frère Gautier, violoncelliste. La musique se révèle un soft power redoutable. Dans les arcanes du pouvoir Renaud Capuçon est un habitué des cérémonies officielles. Entrepreneur à succès, bon communicant, il a tout pour être le musicien privilégié de la Macronie. Selon nos informations, il échange d’ailleurs régulièrement des messages avec le président («Je corresponds avec lui de façon ponctuelle», nuance-t-il). Jusqu’à tenter d’influencer les nominations dans le milieu musical, au risque d’agacer. «Il voulait imposer son candidat à la Philharmonie de Paris, l’Autrichien Stephan Gehmacher (directeur général de la Philharmonie du Luxembourg, ndlr.), se souvient un proche du président français. Mais Emmanuel Macron a nommé Olivier Mantei, qui n’était pas le candidat de Renaud.»Il n’empêche: Renaud Capuçon a su nouer de bons contacts avec les membres de l’exécutif, avant comme après la dissolution surprise de l’Assemblée nationale française en juillet 2024. Bruno Le Maire, le ministre de l’économie démissionnaire, était présent au fameux concert de l’Olympia en mars dernier.Quant au changement de gouvernement consécutif aux législatives anticipées de l’été 2024, il ne ne devrait pas être un obstacle insurmontable: c’est à un dîner organisé par Michel Barnier en 2008, alors ministre de l’Agriculture et savoyard comme eux, que Renaud Capuçon et Laurence Ferrari ont fait connaissance avant de se marier l’année suivante.Entre le centre droit et l’extrême droite, le couple Ferrari-Capuçon doit surfer sur une ligne de crête. Habitué aux Alpes, le couple en connaît les dangers. Sur les réseaux sociaux, Renaud Capuçon est toujours prompt à intervenir sur quantité de sujets, de la crise sanitaire à l’incendie de Notre-Dame de Paris. Il s’est montré en revanche étonnamment silencieux lors des dernières élections législatives en France, alors que plusieurs de ses collègues appelaient à faire barrage contre le Rassemblement national. «Je suis libre de penser ce que je veux et je ne souhaite pas partager mes idées politiques, nous répond Renaud Capuçon. Je suis musicien, je suis chrétien et je suis attaché à des valeurs qui m’ont été transmises par mes parents. Je suis totalement en désaccord avec les idées des extrêmes.». Amis des grands patrons La journaliste et le musicien parviennent aussi à capter le sommet de l’élite économique, comme aucun autre acteur culturel. Pour la présentation en mai à Paris du fonds de dotation pour les jeunes musiciens, lancé par Capuçon et soutenu par Ferrari, plusieurs figures des multinationales françaises ont fait le déplacement: Laurent Sacchi, secrétaire général de Danone, Hélène Mercier, épouse de Bernard Arnault et son fils, Frédéric Arnault, PDG de la division montres du groupe LVMH.Si Laurence Ferrari s’est attirée les grâces de Vincent Bolloré, Renaud Capuçon semble quant à lui courtiser Bernard Arnault, un des hommes  les plus riches du monde. La pianiste Hélène Mercier, épouse du patron du groupe LVMH, est ainsi régulièrement programmée dans les festivals dont s’occupe le violoniste, que ce soit à Aix-en-Provence ou aux Sommets musicaux de Gstaad. En janvier dernier, ils ont ainsi joué ensemble le Quatuor pour la fin du temps de Messiaen dans la station bernoise. D’où l’importance de concentrer les casquettes de programmateur et de musicien. «Je connais Hélène Mercier depuis plus de vingt ans, c’est une amie, et c’est toujours un grand plaisir de jouer avec elle», balaie Renaud Capuçon.Le couple bénéficie en tout cas du pacte de non-agression entre Bernard Arnault et Vincent Bolloré. Lequel- s’est manifesté à plusieurs reprises. En mars 2023, le directeur de la rédaction des Echos, Nicolas Barré, aurait été démis de ses fonctions après la parution dans son journal (propriété d’Arnault) d’une critique élogieuse du livre d’Erik Orsenna, Histoire d’un ogre, qui dénonce sans le nommer Vincent Bolloré. Les marques de LVMH ont aussi été les premières à acheter de la publicité dans Le Journal du Dimanche, après son rachat à l’été 2023 par Vincent Bolloré. Un yacht nommé Tosca Ces temps, le violoniste s’investit cœur et âme autour d’un projet de construction d’une salle de concert à Evian, qui doit ouvrir l’année prochaine. Baptisé La Source Vive, ce lieu est financé par la milliardaire Aline Foriel-Destezet, mécène bien connue du monde de la musique classique et veuve du  fondateur du géant de l’intérim Adecco.C’est sur le yacht de la milliardaire, joliment appelé «Tosca», que Laurence Ferrari et Renaud Capuçon – qui ne souhaite faire aucun commentaire à ce sujet – ont récemment passé leurs vacances. C’est aussi grâce au soutien d’Aline Foriel-Destezet que les deux tourtereaux ont pu donner un concert ensemble à l’été 2024, au Festival des nuits du Château de la Moutte à Saint-Tropez. Dans ce programme dédié à Brahms, Renaud jouait du violon et Laurence lisait des lettres du compositeur.Le programme de La Source Vive n’a pas encore été dévoilé, mais le site internet l’assure: il s’agit d’un «objet architectural unique au service d’un grand projet musical». La Source vive est aussi le nom d’un livre à succès d’Ayn Rand, la romancière préférée de Donald Trump et des libertariens de droite, qui entend par là célébrer «l’égoïsme rationnel», seul code moral qui vaille à ses yeux. Sans doute est-ce un hasard.Cette enquête de Heidi.news a été soutenue par Journafonds, structure suisse qui vise à stimuler les projets d’enquête et de reportage sur des sujets d’intérêt public.
Read more
La qualité des articles de notre média, qui a célébré ses 5 ans cette année, a été évaluée par la Media Quality Association et trois instituts universitaires. Ils saluent «des articles de fond issus de recherches de haut niveau». Dans la catégorie «Médias populaires», l'édition romande du Blick mène le bal.La Media Quality Association (lien en allemand) mesure depuis 2016 la qualité des médias suisses, en collaboration avec trois instituts universitaires: la Haute école de Lucerne, le Centre de recherche opinion publique et société (fög) de l’Université de Zurich et l’Université de Fribourg. L’édition 2024, rendue publique vendredi 13 septembre, place sans surprise le grand quotidien alémanique NZZ (821 salariés) en tête de sa catégorie principale, avec 79,1 points.En seconde position vient… Heidi.news (5 salariés), avec 76,8 points, devant tous les autres journaux et sites d’information romands et alémaniques. Deux axes sont pris en considération: la qualité de l’information mesurée par un panel d’experts, et la qualité perçue par les lecteurs. Le magazine en ligne zurichois Republik, avec lequel Heidi.news avait produit en 2021 l’enquête Tamedia Papers, arrive en tête dans la perception par le public, mais Heidi.news le dépasse dans le classement des experts.### «Une bouffée d’air frais» Commentaire de la Media Quality Association: > «Les magazines en ligne *Heidi.news* à Genève et *Republik* à Zurich apportent une bouffée d’air frais dans le paysage médiatique. Tous deux s’appuient sur des articles de fond issus de recherches de haut niveau dans les domaines de la politique, de l’économie, de la société et de la culture. Ils sont de grande qualité et atteignent immédiatement les deuxième et troisième places du classement.» Heidi.news est un média suisse indépendant, sans publicité et qui ne vit que de ses lecteurs et a célébré cette année son 5e anniversaire. En 2021, il a été racheté par *Le Temps* (4e au classement principal) et s’est alors recentré sur les grands récits, enquêtes et feuilletons en plusieurs épisodes, appelés «Explorations». Plus d’une centaine sont en ligne. Chaque trimestre, une Exploration fait l’objet d’une revue imprimée, [envoyée aux abonnés](https://www.heidi.news/abonnements) et disponible sur le site ainsi qu’en librairie. Le dernier numéro, celui de septembre 2024, est un tour du monde des médias qui réussissent: [«On a trouvé des journalistes heureux»](https://shop.heidi.news/product/on-a-trouve-des-journalistes-heureux). ### Les critères d’évaluation L’évaluation se fait sur un échantillon représentatif tiré des contenus publiés par chaque média. Pour le MQR-24, 17’241 contributions au total ont été codées et évaluées avec quatre indicateurs de mesure de qualité: la pertinence du sujet, la diversité des contenus, la hiérarchisation de l’information et le professionnalisme. Dans la catégorie des «médias populaires» et gratuits, c’est [l’édition romande du Blick](https://www.blick.ch/fr/services/la-fabrick/classement-des-medias-mqr-24-blick-romandie-nomme-media-populaire-le-plus-qualitatif-de-suisse-id20131518.html) qui atteint la première place, après trois ans d’existence. Dans la catégorie radio et télévision, les quatre premières places sont des émissions alémaniques. Puis vient le journal de Léman Bleu, devant le 12h45 et le 19h30 de la RTS.
Read more
«L'Europe est un berceau vide où il n'y a pas d'enfant», a un jour écrit Marie-France Garaud, l’éminence grise de la droite française. Nous en avons trouvé au moins trois: un Italien, un Français et une Roumaine, les fondateurs à peine trentenaires du Grand Continent. En cinq ans et quelques crises, ils sont parvenus à créer une revue intellectuelle de référence, en France et bientôt en Europe. Rencontre au cœur de Paris.Le Grand Continent est un mystère. En quelques années, ses fondateurs sont parvenus à lancer une revue en ligne, lui assurer un succès d’estime et d’audience, et faire de l’Europe un sujet «sexy». Dans le TGV qui m’emmène à eux, en ce mois de mai 2024, je m’interroge: comment trois étudiants même pas trentenaires ont-ils réussi là où 95% des professionnels des médias échouent? Quel est leur secret: aptitudes hors norme, coup de chance, connexions politiques, subventions massives?... Pour le savoir, direction le quartier latin, à Paris.En m’accueillant au 91 boulevard Saint-Germain, Gilles Gressani, qui à 32 ans ferait presque figure de patriarche, me gratifie d’un cours d’histoire improvisé. Un an plus tôt, la rédaction s’est installée au 3e étage d’un immeuble élégant constellé de bow-windows, au cœur du quartier étudiant de la capitale. La bâtisse hébergeait jadis l’éditeur pédagogique Magnard, à qui l’on doit l’invention du cahier de vacances. Mais la librairie du rez-de-chaussée a été remplacée par un coffee shop, et sa devanture en fer forgé affiche désormais un incongru «Sciences — Starbucks Coffee — Médecine».![](https://lh7-rt.googleusercontent.com/docsz/AD_4nXe3Y-_e0Vq3Qghaa58tkiS8PB3bY3Kk-zLcdf9-4X4D48p3fLNJjui7tTpDj833dwTWuKbGUxQ53pwpBhu2T7lqYQySgz6Qbx_ZIs5gBT5mMrF4Cs4dFrzs2TlRnDjddMVVwSOUMiRJ0CcAsZ4-bNih9G8y?key=iXIgIGXRu0qUnNc7P0tebA "Le café Starbucks Odéon, boulevard Saint-Germain à Paris, où se tenait auparavant la librairie Magnard.") *«On est les premiers à rendre au bâtiment son activité historique»*, se félicite le directeur du *Grand Continent* en me narrant l’anecdote. Seul un léger accent trahit l’origine italienne de ce fils d’une enseignante d’art et d’un haut-fonctionnaire de la Vallée d’Aoste, énergique et volubile. A l’évidence, il ne détesterait pas revenir à l’ère où les livres, plutôt que les Frappuccinos, avaient pignon sur rue. On pourrait même dire qu’il y travaille, avec ses deux compagnons de route: Mathéo Malik, 29 ans, originaire de Toulouse, et Ramona Bloj, 30 ans, de Roumanie. Dans la rédaction, où règne une ambiance studieuse, les quelques salariés ne sont pas plus âgés. Pendant deux heures et demie, les fondateurs acceptent de délaisser leurs ordinateurs et leurs téléphones – une gageure, chez ces bourreaux de travail un peu *control freak* *–* pour m’expliquer de quoi leur média est le nom. ## Dans les cafés de Paris *Le Grand Continent* descend en droite ligne des grandes revues d’idées du siècle passé, d’*Esprit* à la *Revue des deux mondes*, en passant par *Le Débat*, la revue de l’historien Pierre Nora et du philosophe Marcel Gauchet, sacrifiée en 2020 sur le constat amer [d’une crétinisation générale des esprits](https://www.lemonde.fr/actualite-medias/article/2020/09/20/fin-du-debat-retour-du-combat_6052963_3236.html). On décèle chez les trois fondateurs le refus d’un tel constat d’échec, et la volonté d’incarner à leur tour ce type d’ambition intellectuelle. *«Le Débat est mort, vive le débat»*, résume le sémillant Valdôtain. Rembobinons. Nous sommes en 2017, le Brexit vient d’être voté et Gilles Gressani rentre d’un séjour d’études à l’Université Columbia, à New York. Dans cette Amérique où Trump commence à battre campagne, l’étudiant en sciences politiques a compris qu’il avait «*plus de choses en commun avec un Danois ou un Polonais qu’avec un Américain»*, relate-t-il, tout en s’excusant de la *«confondante banalité»* du propos. Avec deux condisciples de l’Ecole normale supérieure, Mathéo Malik et Pierre Ramond, il s’attelle à donner corps à cette intuition. ![](https://lh7-rt.googleusercontent.com/docsz/AD_4nXfk-IavOA3ocGNFzELvmnq1JNEsBTGs3ZmVjotxMks9Uuq_dHkvQhTQ_jfZsXxcsuJX-07y9xTdw7x-sQqEVJfVuoaisNVamOkPjPJ-CH2Jr76d3Z6U9y-6fNfVu855Tm4JZ0TOKyx24J_pE2-SAjkBWH8P?key=iXIgIGXRu0qUnNc7P0tebA "Gilles Gressani, président du Groupe d’études géopolitiques, est cofondateur et directeur du Grand Continent. | YP, Heidi.news") Les étudiants fondent le Groupe d’études géopolitiques, un *think tank* chargé de penser le monde et les relations internationales à l’échelle de l’Europe. Et comme dans toute bonne histoire du Paris intello, les choses prennent forme dans un café, Le Rostand, face au jardin du Luxembourg. *«Avec un peu moins de fumée à l’intérieur et beaucoup plus d’objets connectés Apple, le cadre est assez proche de la mythologie des discussions intellectuelles animées du 20e siècle»*, commente Mathéo, dont le style affable mais austère contraste avec la faconde de son camarade. Mais comment parler d’Europe sans ce fumet d’ennui qui lui colle aux basques? *«L’intuition de fond, c’était de faire sortir l’Europe des affaires européennes»*, explique Gilles. On s’est habitués à voir l’Europe abordée par le prisme du marché et surtout du droit, poursuit-il, mais *«c’est un peu comme si on disait que la France se limitait au Conseil d’Etat!».* Eux veulent parler de sciences sociales, de géopolitique et de littérature; en un mot, rendre l’Europe savoureuse, en laissant de côté les salades de Bruxelles. ## Un gros PDF et des mardis soir Cela donne une première newsletter, la «Lettre du dimanche» du Groupe d’études géopolitiques de l’ENS, qui finira vite par paraître le samedi. Une proto-revue déjà très aboutie et dense en matière grise, sans web ni papier, qui paraît sous la forme d’un PDF de plusieurs dizaines de pages envoyé par courriel. *«Ca nous a valu très vite un petit groupe d’aficionados avec un effet bouche-à-oreille très fort*, *comme les gens qui ont découvert les Beatles dans les caves enfumées de Hambourg — toutes proportions gardées»,* décrit celui qui serait sans doute Paul McCartney. Les camarades tiennent aussi un séminaire tous les mardis à la rue d’Ulm, qui joue un rôle de catalyseur. C’est à cette occasion qu’ils rencontrent Ramona Bloj. La jeune femme, originaire d’une bourgade des Carpates où il neige de novembre à avril, a intégré Sciences Po Paris après une licence d’histoire à Bucarest. D’un abord timide, voire farouche, elle ne tarde pas à déployer *«sa redoutable efficacité»* au service de l’aventure, dixit Gilles, qui confie pour sa part avoir découvert Excel sur le tard. Au printemps 2018, ils convient l’historien Patrick Boucheron (qui deviendra un compagnon de route), l’économiste Thomas Piketty, l’historienne de la psychanalyse Elisabeth Roudinesco, les philosophes Myriam Revault d’Allonnes et Toni Negri à venir exposer l’idée qu’ils se font de l’Europe. Le cycle de conférences, retransmis dans une quinzaine d’universités du vieux continent et d’au-delà, s’avère un franc succès. Les Mardis du Grand Continent deviennent une institution dans l’institution et, fin 2018, la newsletter gratuite du GEG compte 20’000 inscrits. *![](https://lh7-rt.googleusercontent.com/docsz/AD_4nXcoL9CFMGYEFHmd9dVWVFcQ0TUhHtqD8tgbEqeD89j5MFJCUayEXrQO2h2nSG3IkF0sswyxKr1gXR_lTJh6b9q2WJBTVvfjJ-ne8KKYdBm3vehW1VJ1eUH212zwYXElDOwgqUFuBrBiY3tEBmhZJHaUMZPi?key=iXIgIGXRu0qUnNc7P0tebA "Ramona Bloj est vice-présidente du Groupe d’études géopolitiques, cofondatrice du Grand Continent et rédactrice en chef de la revue GREEN. | YP, Heidi.news")* Dans les bars et les restos du quartier latin, les trois mousquetaires charbonnent comme jamais – à ce rythme de khâgneux qui ne les a jamais quittés. La revue débarque sur le web en avril 2019, sur un site épuré et moderne, codé et hébergé à Turin. Tout est prêt pour le décollage. ## Passe-frontières A peine neuf mois après le lancement, un gros virus hérissé de spicules débarque sur le monde. Comme dans d’autres jeunes médias – *Heidi.news* en sait quelque chose –, la pandémie donne aux timoniers du *Grand Continent* l’occasion de se distinguer. Ils s’en emparent en couvrant les déboires sanitaires du nord de l’Italie, premiers pays d’Europe confronté au coronavirus. *«Pendant le Covid, l’actu française, c’était l’actu italienne avec sept jours de retard»,* se remémore Gilles. *«Pendant une semaine, on a eu l’impression d’être maîtres du temps, tout ce qu’on publiait devenait viral, on a dû changer de serveur. Par exemple, on a publié [un entretien d’un urgentiste de l’hôpital de Bergame](https://legrandcontinent.eu/fr/2020/03/10/coronavirus-un-temoignage-du-front/) à l’époque où le mot d’ordre en France était d’aller au théâtre... Ca nous a montré que nos espaces médiatiques restaient totalement déconnectés, alors qu’on n’est pas la Corée du Nord!»* La revue publie aussi les premières cartes des contaminations à l’échelle des grandes régions d’Europe, sans s’arrêter aux frontières nationales. *«Ca paraît peu de choses une carte, mais ça a servi à penser des formes de tri et d’échange transfrontalier de malades. La Commission européenne nous a contactés, on a commencé à travailler avec plusieurs pays. Ca a permis de sauver des vies»*, veut croire Gilles Gressani. ## «Cette fois, ils nous citent» Le succès est, lui aussi, exponentiel. En 2020, un an après le lancement officiel de la revue, le *Grand Continent* décroche — sans même l’avoir sollicité — [un long entretien exclusif avec Emmanuel Macron](https://legrandcontinent.eu/fr/2020/11/16/macron/), qui participe à les faire connaître, y compris sur la scène politique européenne puisqu’elle est publiée en anglais. En 2022, le trio est même [invité sur Quotidien](https://www.tf1.fr/tmc/quotidien-avec-yann-barthes/videos/invites-ramona-bloj-gilles-gressani-et-matheo-malik-co-fondateurs-de-la-revue-le-grand-continent-10562131.html), l’émission-phare de Yann Barthès sur TMC, plus habituée à accueillir des acteurs à succès que des normaliens. Quelques semaines plus tôt, en février 2022, les chars russes ont traversé la frontière en direction de Kiev. S’est alors ouverte une nouvelle séquence favorable au *Grand Continent*, très armé en géopolitique. Leur carte de l’offensive russe en Ukraine est reprise par tous les grands journaux, d’*El Pais* au *Monde* en passant par le *New York Times* – *«et cette fois, en nous citant!»*, glisse Gilles. Ils confient au colonel-blogueur Michel Goya, éminent spécialiste d’histoire et de stratégie militaire, le soin de chroniquer les premiers mouvements de la guerre. ![Une LGC 12 sept. 2024.jpg](https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/3930585e-2d90-4de9-b73e-fab6151f35bf/large "La une du site du Grand Continent, le 12 septembre 2024.") Comme souvent avec *le Grand Continent*, les analyses sont approfondies, les intervenants de qualité, les synthèses impeccables. Dans ce monde en déglingue, les crises ne manquent pas et sont autant d’occasions pour la revue de faire ses preuves. Suivront Israël, puis l’Iran. A chaque fois, l’enjeu consiste à trouver le plus vite possible les meilleurs experts, ce que *le Grand Continent* s’emploie à faire via un réseau de quelque 2500 *«collaborateurs»*, très bien insérés dans le monde académique. La revue se permettra aussi des pas de côté surprenants, en offrant ses pages [à des penseurs chinois affiliés au régime](https://legrandcontinent.eu/fr/themes/doctrines-de-xi/), en publiant des [discours commentés de Poutine](https://legrandcontinent.eu/fr/themes/politique/doctrines-de-la-russie-de-poutine/) ou du président hongrois [Viktor Orban](https://legrandcontinent.eu/fr/2024/07/19/la-paix-facon-viktor-orban-son-plan-en-10-points/). Autant de fenêtres utiles sur des espaces où les valeurs occidentales n’ont plus vraiment cours. Parmi les coups marquants, et dont les fondateurs sont particulièrement fiers, figure la publication en 2022 du [dernier texte](https://legrandcontinent.eu/fr/2022/05/23/le-sol-europeen-est-il-en-train-de-changer-sous-nos-pieds-x/) de l’illustre philosophe Bruno Latour, peu avant sa mort. ## Dans ta face, Churchill Aujourd’hui, la revue étudiante est devenue une startup d’une petite dizaine de salariés, elle compte 25’000 abonnés et le site web enregistre 20 millions de visites par an. Ses patrons restent fidèles à leurs deux principes des débuts: pas de réunion, pas d’email. Tout se passe via Slack ou WhatsApp, tout est fait sur le champ, vite et bien, et les brainstormings ont lieu autour d’une bière, souvent le mardi soir après la conférence, à la brasserie Danton du bas de la rue, face à la statue du «sauveur» de la Révolution française. ![](https://lh7-rt.googleusercontent.com/docsz/AD_4nXejREdE46ni9KJONnh-UCIAjVGO7tjkL8hFojgAOnuZMrQe_ZbcyCL369HRC1Be1VEfUpZHciKB0Q6t8MuppkOFUYnc6gKq0K4LAwHEzGgbYm_AJ0GS0G051L8uZewWMzzUEXwZh5ZwGm29xA2X3KaElWm3?key=iXIgIGXRu0qUnNc7P0tebA "Mathéo Malik, 29 ans, est cofondateur et rédacteur en chef du Grand Continent. | YP, Heidi.news") Ces précisions pourraient paraître gratuites; elles ne le sont pas. Venus aux relations internationales par la philosophie (Gilles) ou l’histoire (Mathéo, Ramona), le trio vit dans un monde surchargé de références culturelles, et se projette sur le temps long. Quand ils se baptisent *Grand Continent*, c’est pour faire mentir le poète [Paul Valéry](http://evene.lefigaro.fr/citation/europe-deviendra-realite-dire-petit-cap-continent-asiatique-63091.php) qui voit dans l’Europe un *«petit cap de l’Asie»,* et répondre à [Churchill](https://lelephant-larevue.fr/thematiques/de-gaulle-rencontre-churchill/) quand il jure à De Gaulle qu’il préférera toujours le *«grand large»* au vieux continent. Du reste, le nom sonne bien, ne contient pas le mot-repoussoir d’Europe, et évoque *«l’échelle pertinente»* (leur slogan) d’analyse des enjeux, poursuit Gilles. Le nom cache encore d’autres références, suggère-t-il, mais les trois associés n’en diront pas plus. ## L’abbaye de Thélème à Paris On ne peut pas comprendre le succès du *Grand Continent* sans se pencher sur une de ses singularités: sa connexion au monde académique. Outre la qualité intrinsèque de ses fondateurs, la revue bénéficie du prestige de l’Ecole normale supérieure, qui héberge le Groupe d’études géopolitiques et accueille les conférences du mardi. Il faut se figurer ce que représente cette institution, au sommet du système des grandes écoles à la française, qu’on pourra au choix qualifier de méritocratique ou de brutalement élitiste. La vieille école de la rue d’Ulm, avec sa cour arborée et son bassin aux poissons rouges, est une abbaye de Thélème au cœur de Paris. Synonyme d’excellence académique, elle ouvre bien des portes et attire les plumes bien disposées, ce dont les fondateurs du *Grand Continent*, même s’ils revendiquent leur autonomie vis-à-vis de l’*alma mater*, ont su tirer profit avec brio. ![](https://lh7-rt.googleusercontent.com/docsz/AD_4nXf1Lf9BZjSKz-n5Uc_xWnKBVSKOwTvxDdUbaua4LyAljVD7_eMst0YWFhz-azgHJaUOE4Szdb9Fmio8flZmaWWWe-ya02VpCPI9qbmnAWnfQ2YlVQ85BKYdsElst9PfalhoT4iav2gpIn99UYLSSIBe6hOP?key=iXIgIGXRu0qUnNc7P0tebA "L’Ecole normale supérieure de Paris, au 45 rue d’Ulm, et sa cour aux Ernest, du nom des poissons rouges amenés par l’ancien directeur Ernest Bisot. | DR") Il y a quelques années, j’ai eu l’occasion de fréquenter, un peu par effraction, l’école et ses élèves. Nulle part ailleurs, je n’ai croisé de jeunes gens de 20 ans qui parlent le grec ancien ou lisent Kant dans le texte «pour le plaisir». On entre à Normale par les maths ou les lettres, via un concours d’une difficulté effroyable, avant d’y étudier précisément ce qu’on souhaite. Je me souviens d’un élève chinois qui faisait de la logique formelle et du turc ottoman en attendant de partir répertorier une langue tibétaine inconnue… Le soir même, à la conférence du mardi, je croiserai le philosophe Frédéric Worms, vice-président de l’école, et l’éditorialiste du *Monde* Alain Frachon, dans une salle bondée. *«Avant, il fallait nous présenter, maintenant les gens nous connaissent et il est très rare d’avoir des refus de conférenciers»*, explique Pierre Ramond, responsable des événements du mardi au *Grand Continent*, par ailleurs doctorant en relations internationales à l’ENS. *«Avant, il fallait vraiment chercher le public, et maintenant il est toujours là, fidèle.»* ## Un bateau qui avance bien Comment un tel projet se maintient-il à flot? S’ils sont peu diserts sur les chiffres, soucieux peut-être de l’image qu’ils renvoient auprès d’un monde académique sourcilleux sur ces questions, les fondateurs estiment que les deux tiers de leurs revenus proviennent des lecteurs, qu’ils soient individuels ou institutionnels. *«Les abonnements permettent de couvrir tous les coûts structurels, comme les salaires et le loyer de ce bureau»*, indique Ramona Bloj. Le reste est couvert par des activités de B2B (séminaires particuliers, masterclass, etc.) vis-à-vis de clients institutionnels, à quoi s’ajoutent quelques dons. Pas de publicité sur le site, et aucune intention d’en ajouter. *«Quand on se réveille le matin, on ne se dit pas qu’on est sur un paquebot qui avance tout seul, on doit construire le bateau tous les jours*», assure Mathéo Malik. On sent, à la vérité, que parler d’argent ne les transporte guère. Leur âme est ailleurs. ![](https://lh7-rt.googleusercontent.com/docsz/AD_4nXdICtL8nGPCkpoxu_LM03IDSGrR8DdLBapJtbUTAVxmQvmc36u3ZytBu1rHJXDJb9m6me9cpR1sFic3c2Q2mSx-TOFGR3bR-Fs4ZRJnrJS1ylrEe4QXNwhTijbhTZiZ0d1y2Utzgx-uKVruPIYsY0yLNBnI?key=iXIgIGXRu0qUnNc7P0tebA) Ce n’est pas faute d’attirer les convoitises: plusieurs groupes de médias et même des milliardaires – *«un Américain, un autre pas américain…»*  –  auraient manifesté des velléités de rachat. Pour l’heure, les fondateurs tiennent absolument à conserver leur indépendance, tout en réfléchissant à lever des fonds pour lancer une version anglophone qu’ils envisagent forcément ambitieuse. Il s’agirait moins de chasser sur les terres de *Foreign Affairs*, la revue de référence en géopolitique, que d’être vu comme *«le téléphone de l’Europe»* à Washington. ## Vers un très grand continent En attendant, la revue est aussi écrite en italien et en espagnol, avec le polonais et l’allemand dans le viseur… Et ce n’est là qu’un projet parmi beaucoup. *«On est à 5% de ce qu’on voudrait faire»*, assure son directeur. En 2021, le GEG lance la revue GREEN (Géopolitique, réseaux, énergie, environnement, nature), qui paraît une à deux fois par an et dont Ramona Bloj est rédactrice en chef. Le pilier institutionnel du *Grand Continent*, matérialisé par le Groupe d’études géopolitiques, pourrait quant à lui se développer en un véritable centre de recherche. Et pourquoi pas un prix littéraire, tant qu’on y est? Depuis 2021, la revue remet tous les hivers [un prix Grand Continent](https://legrandcontinent.eu/fr/2021/12/24/prix-grand-continent-video/) au cœur du Mont Blanc, entre l’Italie, la Suisse et la France, avec l’idée d’en faire un Goncourt européen. Une façon, encore et toujours, de tisser un espace culturel européen commun. *«On connaissait mieux la littérature polonaise ou roumaine quand il y avait le rideau de fer»*, déplore Ramona. Avec un tel parcours, maintenant qu’elle peut se targuer d’avoir une réelle influence dans les mondes académique et politique, en France voire en Europe, et qu’elle en vient, hommage suprême, à essuyer des cyberattaques russes sur [des articles sensibles](https://legrandcontinent.eu/fr/2022/02/27/pourquoi-poutine-a-deja-perdu-la-guerre/), que souhaiter de plus à la revue? ## Ce lieu sexy qui n’est pas Malibu Par pur mauvais esprit, je demande si dans une telle *success story*, il n’y aurait pas quelques accidents de publication à rapporter. *«Il y a bien [ce poème de Pamela Anderson](https://legrandcontinent.eu/fr/2020/01/17/ce-lieu-sexy-quon-appelle-leurope/)… Disons que c’était pour le geste»,* avance Gilles, pas le genre s’étouffer de regrets, après un moment de réflexion. *«Je ne sais pas si on le republierait»*, souffle son camarade en riant. Extrait dudit poème, écrit en soutien au parti politique de l’ex-ministre des Finances grec Yanis Varoufakis: > *Si vous pensez que seule une idiote* > > *peut jouer une blonde stupide –* > > *vous m’avez peut-être rangée dans la catégorie «pneumatique» –* > > *mystérieuse, incomprise…* > > *Ah.* Gageons que la qualité de la muse l’a emporté sur celle des vers. Reste que le titre du poème a des accents irrésistibles: *Ce lieu sexy qu’on appelle l’Europe*.
Read more